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Comment rédiger une recension

Par Yves Mulume

Une recension est la présentation critique et détaillée d’un ouvrage ou d’un article dans un journal ou dans une revue[1]. Habituellement une recension comprend trois parties.

La première partie, qui tient lieu d’introduction, comprend une brève présentation de l’auteur et le but qu’il vise dans son article ou son livre. Cette présentation de l’auteur consistera à dégager son école de pensée telle qu’elle ressort de ses écrits. À ce sujet il peut par exemple appartenir au courant de pensée « évangélique », s’il défend la centralité des Écritures Saintes, ou à un autre courant (catholique, protestant, œcuménique, etc.). Le but de la production scientifique, objet de la recension, peut être d’ordre promotionnel, instructif ou scientifique.

C’est en second lieu qu’il sera question du résumé des pensées principales que développe l’auteur. La rédaction d’une recension se fait dans un esprit de synthèse. Le rédacteur poursuivra la même démarche pour résumer les idées de l’auteur. Ainsi l’usage d’un style clair est exigé. Les mots vagues et les verbes imprécis sont prohibés. De plus, il n’est pas souhaitable de faire usage de longues citations de l’auteur qui ne sont que des remplissages inutiles.

La quintessence des principales idées de l’auteur constituera le soubassement sur lequel reposera l’évaluation du contenu de la publication scientifique. Au cours de cette phase, le rédacteur partira de ses connaissances relatives à son domaine de recherche. Par exemple le chercheur en missiologie discutera avec l’auteur qu’il lit sur la base de notions telles que : la mission holistique, le mouvement centrifuge / centripète, les grandes lignes missionnaires, les modèles de contextualisation, etc. À cet effet, il est souhaitable que le rédacteur soutienne son argumentation par des ouvrages du courant de pensée auquel appartient son université.

Cette section sera suivie, troisièmement, de l’évaluation personnelle du contenu du livre ou de l’article. C’est dans cette partie conclusive que l’on dégagera les points saillants qui auront marqué le lecteur. Il peut être question des aspects relatifs à la scientificité de la production scientifique (les ouvrages récents auxquels l’auteur a recours, le style, la cohérence dans l’enchainement de ses idées, etc.). Il peut aussi s’agir des aspects qui peuvent avoir influencé la vie ou le ministère du lecteur.

[1] Dictionnaire encyclopédique de la langue française, Paris, Hachette, 2015.

 

 

 

Christine Schirrmacher, Islam. Histoire, doctrines, islam et christianisme, Charols, Excelsis, 2016.

Préface de l’édition allemande de Christine Schirrmacher

La présente initiation a pour objet de présenter l’islam comme système théologique, social et juridique. Il s’agira d’abord de le décrire tel qu’il se conçoit lui-même, ce qui conduira à donner fréquemment la parole au Coran, à la tradition islamique et aux théologiens musulmans. Ensuite on confrontera l’islam aux fondements de la foi chrétienne, c’est-à-dire du christianisme.

Évidemment l’islam, autant sinon plus que le christianisme, ne constitue pas un ensemble homogène. En son sein il existe diverses orientations théologiques. Les différences sont particulièrement nettes entre les sunnites et les chiites avec leurs subdivisions respectives, mais aussi par rapport à des groupes particuliers, tels que le mouvement Ahmadiyya ou les Alévites. Les diverses écoles théologiques et les érudits divergent sur de nombreux points de doctrine, sur l’interprétation des textes du Coran et sur les conclusions qu’il faut en tirer. On observe également d’importantes différences entre l’islam d’Afrique du Nord et celui de l’Asie, entre l’islam de Chine et celui d’Arabie saoudite, entre l’islam des ethnies de l’ancienne Union soviétique (CEI) et celui des « black muslims » des USA. En islam on trouve l’islam noble et orthodoxe, tel qu’il est enseigné dans les facultés de théologie sur la base du Coran, de la tradition et des ouvrages de théologiens musulmans reconnus, mais aussi l’islam vécu au quotidien par ceux qui n’ont jamais étudié le Coran en arabe et encore moins un commentaire théologique. Il existe une spiritualité méditative, partiellement ascétique, aussi bien qu’une adhésion purement formelle à la religion. Il y a en outre d’importantes différences entre les acquis des chercheurs de l’islamologie occidentale et la vision musulmane des éléments auxquels il sera toujours à nouveau fait référence.

Pour la théologie islamique, le Coran constitue la source première et le fondement reconnu par tous les groupements musulmans. Cette présentation devra donc s’appuyer en priorité sur le Coran, sur les commentaires coraniques ainsi que sur les textes de la tradition, surtout pour les affirmations théologiques dogmatiques ; elle ne pourra citer la foi musulmane vécue que lorsqu’il existe des témoignages écrits à son sujet ou lorsqu’on peut constater l’existence de principes généraux et dans ce cas ces références n’auront qu’une valeur de second ordre. Il est vrai qu’un exposé donnant la priorité à l’islam officiel, tel qu’il apparaît dans le Coran et dans la tradition, c’est-à-dire l’analyse des fondements de l’islam, fournira au lecteur les moyens de comprendre des présupposés théologiques dogmatiques essentiels et ainsi d’évaluer l’importance respective des formes actuelles de l’islam. D’ailleurs une section particulière, le chapitre 16, consacré à « L’islam populaire », met en confrontation l’islam orthodoxe et l’islam vécu.

Les principaux concepts arabes utilisés dans cet ouvrage et regroupés sous une rubrique spéciale dans le glossaire en fin de volume, ont chaque fois été traduits et ajoutés entre parenthèses ; ils n’ont donc pas à être mémorisés pour permettre de comprendre le texte. Ils ont été scientifiquement translitérés – dans la limite des moyens techniques de la typographie.

Pour une étude approfondie de l’islam il est recommandé de se procurer une édition française du Coran. La numérotation des versets des citations coraniques utilisée dans le présent ouvrage correspond à l’édition standard égyptienne, adoptée pratiquement par toutes les traductions actuelles du Coran. Les références à des sourates et versets particuliers sont présentées dans le texte sous la forme « 9.34 », ce qui veut dire sourate 9, verset 34.

Il est vrai que dans un certain nombre de pays islamiques on a entendu ces dernières années de plus en plus de déclarations qui permettent d’espérer de nouvelles évolutions dans la théologie. Mais on estime de façon largement unanime que, dans l’islam conçu comme système théologique et socio-juridique, il ne se profile pas encore de réforme de fond ou quoi que ce soit de semblable à un « Mouvement des Lumières » au sens occidental de l’expression. C’est surtout en Occident que vivent les théologiens et les penseurs critiques qui d’une manière ou d’une autre se déclarent favorables à une réforme de l’islam ou à son adaptation à la modernité. Dans leurs pays d’origine ils n’ont guère de chance d’avoir une audience officielle, car il n’existe pratiquement pas de forums de discussion ouverte et critique ou alors ils perdent leur poste et toute considération, et doivent quitter leur patrie – il arrive même qu’ils soient mis à mort.

Depuis la parution en 1994 de la première édition de cette initiation, la situation de l’islam en Europe et dans le monde a naturellement changé sous un certain nombre d’aspects. En particulier depuis que des attaques terroristes perpétrées ces dernières années par des extrémistes islamiques dans diverses parties du monde ont semé la peur et le trouble, on s’est davantage interrogé sur la nature et surtout sur le caractère pacifique de l’islam et les parutions de livres se sont multipliées. En Allemagne des décisions de justice (comme l’autorisation par la Cour constitutionnelle de l’abattage rituel des animaux en 2002) et la multiplication des discussions menées devant l’opinion publique sur des questions telles que l’instauration à l’échelle nationale de l’enseignement religieux islamique dans l’enseignement public, ont révélé le besoin d’une information plus consistante au sujet de l’islam. Les discussions actuellement en cours ne feront pourtant pas l’objet prioritaire de cette initiation. En effet d’une part il existe déjà en Allemagne[1] quelques excellentes présentations de l’islam actualisées très régulièrement, et d’autre part même un simple survol des évolutions actuelles dépasserait déjà le cadre de cette initiation.

Si en Occident davantage de chrétiens apprennent à mieux connaître la foi musulmane et sont plus volontiers disposés à rencontrer des musulmans, il leur faudra s’engager dans le dialogue qui s’impose d’urgence avec des personnes vivant et travaillant depuis plus de 40 ans en Allemagne tout en s’y sentant souvent encore étrangers. Ils apporteront ainsi une contribution importante pour favoriser les rencontres entre membres de cultures différentes. On peut aussi vivement espérer bâtir un avenir commun pacifique dans la mesure où des musulmans apprennent à connaître des chrétiens qui contredisent le cliché de l’ennemi occidental couramment diffusé par les médias et se mettent à découvrir le christianisme non plus exclusivement du point de vue du Coran, mais tel que celui-ci se conçoit lui-même. Ce sera là une chance qu’ils n’auraient guère pu connaître dans leurs pays d’origine.

[1] P. ex. Ursula Spuler-Stegemann, Muslime in Deutschland. Informationen und Klärungen, 2e éd., Freiburg, Herder, 2002.

 

eef-couvertureHannes Wiher, sous dir., L’évangélisation en Europe francophone, Charols, Excelsis, 2016, 352 p.

Préface de Bernard Huck

Il y a quelques années, ma femme et moi avons eu le privilège de faire un voyage en Bulgarie, invités par des amis de longue date. Quelle surprise de découvrir un pays oriental mais européen, marqué par des décennies de domination soviétique, mais dont les racines européennes étaient loin d’avoir disparues ! Comme partout ailleurs en Europe, les magnifiques ruines romaines étaient toujours debout, les monastères chrétiens (ici orthodoxes), véritables forteresses culturelles et spirituelles, avaient résisté à tous les assauts, les quartiers du centre-ville aux si belles architectures rappelaient les prospérités d’antan, les églises magnifiques tenaient bon, et quelques mosquées rappelaient les conflits qui avaient durement secoué le pays pendant des siècles. Quant à la population, le contraste était frappant entre les anciennes générations aux visages tristes et fermés, et la jeunesse plus insouciante, tournée vers l’Occident, un peu désorientée, pleine de questions et d’espoir. Un contraste tout aussi fort entre les Églises de la vieille orthodoxie, faisant tous leurs efforts pour retrouver l’hégémonie d’autrefois, et les jeunes Églises évangéliques, enthousiastes mais fragiles, sans oublier cette vénérable Église presbytérienne, présente depuis plus d’un siècle et demi, et toujours bien vivante. Dernière surprise : découvrir un pays qui se rattache à la francophonie, francophile, mais dont la dernière aspiration des jeunes est la maitrise de l’anglais.

L’Europe en effet. La vieille Europe, perceptible culturellement et socialement, malgré tous les bouleversements au long des siècles. Une Europe qui a de profondes racines, qui est une réalité, mais aussi une énigme. Comment des populations aussi diverses, qui se sont entretuées tout au long de l’histoire, constamment en conflits, en concurrence, peuvent-elles percevoir une certaine identité commune ? L’Europe politico-économique d’aujourd’hui en est une image éloquente. Et pourtant, cela fonctionne, plus ou moins bien.

Penser l’Europe est un défi. Un défi qui peut paraître insensé à relever, mais qui correspond à une réalité. Quelques grands hommes ont fait ce pari, juste après l’épouvantable conflit de 1939-1945. Il fallait faire quelque chose ! La missiologie a pris plus d’un demi-siècle pour relever, elle aussi, ce défi. Il faut dire que le dégâts spirituels causés par deux siècles d’influence des Lumières, du militantisme athée, du retour de flamme du religieux par l’offensive des sectes, de l’ésotérisme et des religions orientales, est impressionnant. Les nouveaux bouleversements dus à l’immigration massive et au poids de l’islam ne viennent pas arranger les choses.

Il est temps de se ressaisir. Les Églises et les missions (extérieures comme intérieures) n’ont certes pas attendu le xxie siècle pour le faire. Dès la fin de la dernière guerre, les efforts d’évangélisation ont été considérables, avec un certain succès. Mais cela n’a pas arrêté la déferlante rappelée plus haut. La gravité de la situation et sa complexité extrême appellent à une prise de conscience approfondie sur la situation en Europe, à une analyse des pratiques actuelles, à un effort de réflexion théologique tant sur l’état spirituel des Européens que sur le témoignage des Églises anciennes et nouvelles, et la nature de l’Évangile qui est sensé leur être annoncé.

C’est une entreprise considérable. Plusieurs s’y sont lancés récemment. Le Réseau de missiologie évangélique pour l’Europe francophone (REMEEF) a désiré y apporter sa modeste contribution. Le volume qui suit rassemble les conférences apportées sur le sujet lors de plusieurs rencontres des membres du réseau et de divers spécialistes. Que chacun des auteurs soit vivement remercié pour son travail, particulièrement monsieur Evert Van de Poll qui a aussi participé au plan et à l’élaboration de ce volume. Nous sommes aussi reconnaissants aux éditions Excelsis de bien vouloir mettre en forme cet ouvrage avec l’excellence que nous lui connaissons !

Contribution modeste disais-je, mais déterminée. Il faut maintenant avoir le courage de se remettre en cause et faire face à la situation. Et cela, pas seulement en multipliant les actions sur le terrain, mais en prenant du recul pour réfléchir, se concerter, et repartir d’un nouveau pas. Cet ouvrage voudrait y contribuer. Alors, bonne et fructueuse lecture !

Bernard Huck