Evangélisation en Europe francophone

Préface de Bernard Huck d’un nouvel ouvrage du REMEEF à paraître

Il y a quelques années, ma femme et moi avons eu le privilège de faire un voyage en Bulgarie, invités par des amis de longue date. Quelle surprise de découvrir un pays oriental mais européen, marqué par des décennies de domination soviétique, mais dont les racines européennes étaient loin d’avoir disparues ! Comme partout ailleurs en Europe, les magnifiques ruines romaines étaient toujours debout, les monastères chrétiens (ici orthodoxes), véritables forteresses culturelles et spirituelles, avaient résisté à tous les assauts, les quartiers du centre-ville aux si belles architectures rappelaient les prospérités d’antan, les églises magnifiques tenaient bon, et quelques mosquées rappelaient les conflits qui avaient durement secoué le pays pendant des siècles. Quant à la population, le contraste était frappant entre les anciennes générations aux visages tristes et fermés, et la jeunesse plus insouciante, tournée vers l’Occident, un peu désorientée, pleine de questions et d’espoir. Un contraste tout aussi fort entre les Églises de la vieille orthodoxie, faisant tous leurs efforts pour retrouver l’hégémonie d’autrefois, et les jeunes Églises évangéliques, enthousiastes mais fragiles, sans oublier cette vénérable Église presbytérienne, présente depuis plus d’un siècle et demi, et toujours bien vivante. Dernière surprise : découvrir un pays qui se rattache à la francophonie, francophile, mais dont la dernière aspiration des jeunes est la maitrise de l’anglais.

L’Europe en effet. La vieille Europe, perceptible culturellement et socialement, malgré tous les bouleversements au long des siècles. Une Europe qui a de profondes racines, qui est une réalité, mais aussi une énigme. Comment des populations aussi diverses, qui se sont entretuées tout au long de l’histoire, constamment en conflits, en concurrence, peuvent-elles percevoir une certaine identité commune ? L’Europe politico-économique d’aujourd’hui en est une image éloquente. Et pourtant, cela fonctionne, plus ou moins bien.

Penser l’Europe est un défi. Un défi qui peut paraître insensé à relever, mais qui correspond à une réalité. Quelques grands hommes ont fait ce pari, juste après l’épouvantable conflit de 1939-1945. Il fallait faire quelque chose ! La missiologie a pris plus d’un demi-siècle pour relever, elle aussi, ce défi. Il faut dire que le dégâts spirituels causés par deux siècles d’influence des Lumières, du militantisme athée, du retour de flamme du religieux par l’offensive des sectes, de l’ésotérisme et des religions orientales, est impressionnant. Les nouveaux bouleversements dus à l’immigration massive et au poids de l’islam ne viennent pas arranger les choses.

Il est temps de se ressaisir. Les Églises et les missions (extérieures comme intérieures) n’ont certes pas attendu le xxie siècle pour le faire. Dès la fin de la dernière guerre, les efforts d’évangélisation ont été considérables, avec un certain succès. Mais cela n’a pas arrêté la déferlante rappelée plus haut. La gravité de la situation et sa complexité extrême appellent à une prise de conscience approfondie sur la situation en Europe, à une analyse des pratiques actuelles, à un effort de réflexion théologique tant sur l’état spirituel des Européens que sur le témoignage des Églises anciennes et nouvelles, et la nature de l’Évangile qui est sensé leur être annoncé.

C’est une entreprise considérable. Plusieurs s’y sont lancés récemment. Le Réseau de missiologie évangélique pour l’Europe francophone (REMEEF) a désiré y apporter sa modeste contribution. Le volume qui suit rassemble les conférences apportées sur le sujet lors de plusieurs rencontres des membres du réseau et de divers spécialistes. Que chacun des auteurs soit vivement remercié pour son travail, particulièrement monsieur Evert Van de Poll qui a aussi participé au plan et à l’élaboration de ce volume. Nous sommes aussi reconnaissants aux éditions Excelsis de bien vouloir mettre en forme cet ouvrage avec l’excellence que nous lui connaissons !

Contribution modeste disais-je, mais déterminée. Il faut maintenant avoir le courage de se remettre en cause et faire face à la situation. Et cela, pas seulement en multipliant les actions sur le terrain, mais en prenant du recul pour réfléchir, se concerter, et repartir d’un nouveau pas. Cet ouvrage voudrait y contribuer. Alors, bonne et fructueuse lecture !

Bernard Huck